01 Mar
2017

Ce que la Loi Travail modifie concernant la durée du travail

Ce que la Loi Travail modifie concernant la durée du travail

Après de nombreuses contestations, la loi travail a été publiée au journal officiel le 8 août 2016.

Les dispositions modifiant les règles relatives à la durée du travail sont celles qui ont le plus fait polémique.

En matière de durée du travail le principe est que les conventions ou accords collectifs peuvent déroger aux lois et règlement dans les domaines suivants :

  • l’aménagement et la répartition des horaires de travail sur la semaine,
  • les périodes de repos ;
  • les conditions de recours aux astreintes ;
  • les modalités de la récupération des heures de travail.

Les accords d’entreprise ou établissement peuvent encore déroger aux normes conventionnelles supérieures. Ainsi, lorsque la loi renvoi, pour certaines dispositions à un accord collectif ou, à défaut à un accord de branche, dans ce cas l’accord d’entreprise prime sur l’accord de branche. Il peut donc s’en écarter, même dans un sens défavorable pour le salarié, et ce, alors même que l’accord de branche aurait conféré à certaines de ses disposition un caractère impératif, et quelle que soit la date de conclusion de celui-ci.

Cette dérogation concerne les dispositions suivantes :

  • fixation de la journée de solidarité ;
  • fixation du contingent annuel d’heures supplémentaires et des modalités de la contrepartie obligatoire en repos ;
  • organisation de la répartition de la durée du travail sur tout ou partie de l’année ;
  • mise en place de conventions de forfait annuel en heure ou en jour
  • institution du compte épargne temps.

Avec la nouvelle loi travail, l’accord d’entreprise devra désormais être majoritaire (plus de 50 % des suffrages exprimés au cours des dernières élections professionnelles et le droit d’opposition disparaît). A compter du 1er janvier 2017, cet accord d’entreprise pourra déroger aux dispositions relatives à la durée du travail et aux congés payés.

La loi travail a élargi les domaines dans lesquels l’accord d’entreprise prime sur l’accord de branche.

Quelles sont les modifications apportées ?

  • Durées légales et durées maximales

La durée légale hebdomadaire de travail reste fixée à 35 heures mais les entreprises ont la possibilité, par accord d’entreprise ou, à défaut, par accord de branche, de fixer une semaine de référence de sept jours consécutifs,  différente de celle civile (article L. 3121-32 du Code du travail).

La loi travail ne revient pas sur la durée journalière maximale de travail fixée à 10 heures. Les possibilités de dérogation restent également identiques (article L. 3121-18) :

  • autorisation de l’inspecteur du travail ou en cas d’urgence, selon les conditions fixées par décret ;
  • accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par accord de branche, en cas d’activité accrue ou pour des motifs liés à l’organisation de l’entreprise, dans la limite de 12 heures.

Désormais, l’accord de branche n’a plus besoin d’être étendu, le dépassement doit être motivé, et l’accord d’entreprise prime sur l’accord de branche.

Aucune dérogation à la durée quotidienne de travail n’est cependant prévue.

La loi travail ne revient pas non plus sur la durée maximale hebdomadaire de travail (48 heures ou 44 heures sur une période de 12 semaines consécutives). Elle facilite cependant les possibilités d’y déroger par accord d’entreprise pour porter la durée à 46 heures par semaine sur une période de 12 semaines. Il fallait avant la loi, un accord de branche validé par décret. Désormais, la dérogation peut se faire par simple accord collectif ou, à défaut, accord de branche qui n’a plus besoin d’être validée.

En outre, ce dépassement devient possible sur autorisation de l’autorité administrative dans la limite de 46 heures après avis du Comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.

La loi travail apporte également des modifications sur le temps de pause de 20 minutes toutes les six heures qui devient une règle d’ordre public. Un accord d’entreprise peut désormais accorder un temps de pause supérieur.

Les règles relatives au temps d’habillage et de déshabillage demeurent inchangées mais la nouveauté résulte dans la possibilité de prévoir, par accord d’entreprise, l’assimilation de ces temps à du temps de travail effectif (article L. 3121-7).

Le législateur a modifié la définition de l’astreinte afin de l’adapter aux nouveaux moyens de télécommunication. Il s’agit désormais d’une « période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise » (article L. 3121-9). Il n’est plus exigé que le salarié « demeure à son domicile ou à proximité ».

Les astreintes continuent d’être mise en place par accord collectif avec une primauté pour l’accord d’entreprise ou d’établissement par rapport à celui de branche qui devient supplétif et n’a plus à être étendu.

Désormais le délai de prévenance des salariés n’est plus de 15 jours mais « un délai raisonnable » qui sera précisé par l’accord collectif.

Le régime de mise en place des équivalences est modifié : un décret n’est plus nécessaire et elles peuvent être instituées par un accord de branche étendu. Toutefois, en l’absence d’accord, le régime peut toujours être institué par décret en Conseil d’Etat (article 3121-15).

  • Heures supplémentaires

La définition et le décompte des heures supplémentaires demeurent inchangées.

Elles restent soumises à un contingent annuel défini par accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par accord de branche qui n’a plus à être étendu. A défaut d’accord demeure fixé par décret.

La réelle nouveauté concerne la majoration des heures supplémentaires qui sont fixés en priorité par accord d’entreprise ou d’établissement et, à défaut, par accord de branche. L’accord d’entreprise ou d’établissement peut donc prévoir une majoration inférieure qui ne pourra, en tout état de cause, être inférieure à 10%. A défaut d’accord collectif le taux légal de 25% s’applique pour les huit premières heures, puis 50 % pour les suivantes (article L.3121-36).

Les règles relatives à la contrepartie en repos ne sont pas modifiées (repos facultatif en deçà du contingent et obligatoire au-delà) ; la durée, les caractéristiques et les conditions de prise de cette contrepartie sont fixées en priorité par accord d’entreprise ou d’établissement, à défaut, par accord de branche.

  • Aménagement du temps de travail

 Avant la loi Travail, la répartition de la durée du travail pouvait être organisée sur une durée supérieure à la semaine et au plus sur une durée égale à l’année, et ce, par accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par accord de branche.

La nouveauté avec la loi du 8 août 2016 est la possibilité de la répartition de la durée du travail sur une durée maximale de 3 ans mais uniquement si l’accord de branche l’autorise (article L. 3141-44 1°).

Si la période de référence est supérieure à un an, l’accord doit prévoir la limite hebdomadaire supérieure à 35 heures au-delà de laquelle les heures de travail accomplies au cours d’une même semaine, sont des heures supplémentaires rémunérées à la fin du mois en cause.

A défaut d’accord collectif, l’employeur peut continuer à aménager le temps de travail de manière unilatérale sur une période qui ne peut excéder 4 semaines (article L.3121-45) ou 9 semaines si l’entreprise compte moins de 50 salariés.

  • La sécurisation des forfait-jours

La Loi travail prévoit également un dispositif afin de sécuriser les conventions de forfait-jour.

Les conditions de recours au forfait en heures ou en jours demeurent identiques (accord d’entreprise et convention individuelle de forfait).

La nouveauté résulte dans la possibilité pour les entreprises de moins de 50 salariés d’établir par un document unilatéral, un « accord type » fixé par convention de branche étendu, après en avoir informé les délégués du personnel et les salariés par tous moyens.

La loi Travail codifie les exigences posées par la Cour de Cassation depuis l’arrêt du
29 juin 2011 (Cass. Soc. 29 juin 2011 n° 09-71.107) relatives au suivi de la charge de travail des salariés ainsi que leur amplitude de travail durant la journée.

Les accords collectifs mettant en place des forfaits annuels en heures ou en jours doivent également fixer (article L. 3121-64) :

– la période de référence du forfait : l’année civile ou toute autre période de 12 mois consécutifs ;

– les conditions de prise en compte, pour la rémunération, des absences, arrivées et départs en cours de période.

Pour les forfaits en jours, de nouvelles clauses doivent figurer dans les accords collectifs (article L. 3121-64) :

– les modalités d’exercice du droit à la déconnexion ;

– les modalités d’évaluation et de suivi régulier, par l’employeur, de la charge de travail du salarié ;

– les modalités selon lesquelles, l’employeur et le salarié communique périodiquement sur la charge de travail, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle, sur la rémunération et sur l’organisation du travail dans l’entreprise ;

En outre, l’accord collectif peut également fixer le nombre maximal de jours travaillés dans l’année lorsque le salarié renonce à une partie de ses jours de repos dans la limite du respect des dispositions relatives au repos quotidien et hebdomadaire, aux jours fériés et chômés ainsi qu’aux congés payés. A défaut de précision dans l’accord, le nombre maximal de jours travaillés dans l’année en cas de renonciation, par le salarié, à des jours de repos, reste fixé à 235 jours (article 3121-66).

Toutefois, si l’accord collectif ne remplit les premières conditions relatives aux modalités d’évaluation, de suivi de la charge de travail, et de communication, l’employeur peut toutefois conclure une convention individuelle de forfait-jours sous réserve (article L.3121-65) :

d’établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, qui peut être rempli par le salarié mais sous la responsabilité de l’employeur ;

– de s’assurer que la charge de travail est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;

– d’organiser un entretien annuel avec le salarié pour évoquer sa charge de travail (qui doit être raisonnable), l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, ainsi que sa rémunération.

 

Suite au prochain article

 

Clélia PIATON, Avocat en droit du travail au barreau de Chambéry

Comments are closed.